Télétravail : l’adaptation des compétences en question
Gestion des compétences – Hard Skills – 25/10/2022
Il y a encore cinq ans, moins d’un salarié sur dix pratiquait le home office un ou plusieurs jours par semaine. La crise sanitaire a provoqué une accélération sans précédent du télétravail, et aujourd’hui de nombreuses entreprises s’attachent à l’inscrire durablement dans leur fonctionnement organisationnel. Une récente enquête menée par le Céreq livre des enseignements précieux sur ses conséquences en termes de formation et de développement des compétences.
En mars 2020, de très nombreux salariés ont découvert le home office sans y être préparés. Or l’efficacité du travail depuis le domicile appelle une organisation, des outils et des pratiques spécifiques. La note Céreq s’est intéressée à l’impact de cette situation sur leur quotidien professionnel, dont celui de leur montée en compétences numériques. Au-delà du recours aux équipements informatiques et aux outils de communication à distance (mail, visioconférence, messagerie instantanée), le télétravail peut nécessiter des formations aux solutions digitales indispensables pour collaborer à distance et à plusieurs, comme les espaces de travail numériques. Sur ce type d’outils, les moins aguerris ont pu ressentir un manque de compétences – c’est le retour d’environ 15 % des salariés identifiés dans l’étude comme des télétravailleurs « occasionnels » ou « nouveaux convertis », dont le besoin d’actions de learning peut être important.
Des formations dédiées au numérique qui ne profitent pas à tous
Or, comme l’enquête le met en évidence, ce sont les salariés les plus habitués au télétravail et à l’utilisation d’outils digitaux et du web qui ont eu davantage d’opportunités de suivre une formation au numérique. Près d’un tiers d’entre eux ont ainsi bénéficié d’au moins une action en ce sens lors de la première année de la crise sanitaire, le plus souvent pour acquérir des compétences en matière de stockage et de gestion de flux de données, ou dans le domaine de la réglementation en matière de protection des données (RGPD). Les autres catégories de télétravailleurs accèdent dans une moindre mesure aux formations dédiées (environ un sur cinq) et pour des objectifs pédagogiques et métier différents : management ou gestion de projet à distance, utilisation d’outils de travail à distance, sécurité informatique, logiciels métiers.
L’étude du Céreq met également en lumière l’impact du télétravail dans le domaine des apprentissages non organisés, qui peuvent être particulièrement précieux pour certains métiers ou au sein d’une équipe. « D’une façon générale, le recours aux outils numériques semble favoriser les chances d’apprendre seul avec l’aide d’internet, signale Marion Lambert, chargée d’études et rédactrice de la note d’analyse. Les télétravailleurs, forts utilisateurs des TIC, auraient par conséquent plus de facilité à se former par eux-mêmes. » Un autre volet des apprentissages informels relève de la possibilité de développer ses compétences grâce au son collectif de travail. En 2020, les salariés qui ont été en full télétravail ont eu moins d’occasions d’apprendre des éléments utiles professionnellement auprès de leurs collègues ou de leur manager.
Compenser la perte d’apprentissages non organisés
Pour la chargée d’études, « les façons d’échanger évoluent et les discussions qui pouvaient survenir au détour d’un couloir nécessitent dorénavant de s’organiser : disposer d’un outil de communication et prévoir un temps dédié ». C’est pourquoi les conditions dans lesquelles les salariés télétravaillent sont importantes : ceux qui ont vu leurs conditions de travail se dégrader avec la crise sanitaire ont subi un risque exacerbé de perdre des occasions d’échange et de partage. C’est notamment le cas de ceux qui ont connu une hausse importante de leurs contraintes horaires et de leur charge de travail. En revanche, les télétravailleurs dont l’activité professionnelle nécessitait avant la crise de participer à des réunions, ou d’apprendre auprès de leurs collègues, ont davantage de chances de poursuivre des échanges à distance.
Comment les responsables formation peuvent-ils tirer des leçons utiles de ces résultats pour accompagner les collaborateurs et les managers en situation de télétravail, et favoriser à la fois leur montée en compétences numériques et en efficacité professionnelle ? Déjà, en privilégiant une approche sur-mesure pour identifier les besoins – à l’échelle d’une fonction, d’une équipe, voire d’un salarié. Comme l’enquête l’a mis en évidence, ceux qui manquent de compétences numériques ne suivent pas toujours les formations dont ils ont besoin. Ensuite, en imaginant des modalités de préservation des apprentissages informels entre collègues, et en se plaçant ainsi dans une position d’intermédiation : il s’agit de donner les moyens aux collaborateurs de maintenir ces opportunités d’apprendre, tout en leur laissant la main. Enfin, en mettant à profit les moments en présentiel, comme l’estime Marion Lambert : « Les conditions de travail en distanciel ont leur importance, mais la mise en place de temps et d’espaces de travail collectif en présentiel est également un levier essentiel pour favoriser les apprentissages des télétravailleurs ».
Jérôme Lesage
Le blog de la formation
Quels sont les besoins en formation associés à la montée en puissance du télétravail ?
D’après l’enquête du Céreq, la crise sanitaire a servi de révélateur au décalage entre les salariés déjà aguerris aux outils numériques et ceux qui le pratiquaient peu ou pas. Les besoins diffèrent, aussi bien en suivi de formation que d’objectifs pédagogiques.
Quel est l’impact du home office sur les apprentissages non organisés ?
La tendance à s’autoformer est étroitement liée à la maîtrise des outils numériques. Par ailleurs, les apprentissages informels entre collègues, moins fréquents en situation de télétravail, appellent des éléments facilitateurs pour renverser la tendance – outils de communication et temps dédié.
Quels leviers sont à la disposition des entreprises, et des responsables formation, pour accompagner les managers et leurs collaborateurs en télétravail ?
Le premier consiste à identifier, de manière précise et segmentée, les besoins en compétences numériques et à répondre pour aider chacun à rester efficace en home office. D’autres leviers méritent d’être explorés pour maintenir les occasions d’apprentissages non organisés.